climate finance day

05 Nov Nous étions à la journée « Climate Finance Day 2021 »

Entre paradoxe et recherche de cohérence…

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 Le 26 octobre dernier se tenait la Climate Finance Day, organisée par Finance for Tomorrow. Il s’agit de l’évènement annuel réunissant les principaux acteurs de la finance durable. J’y étais et étaient présents les grandes banques françaises, des ONG et différents acteurs du secteur.

Le ministre de l’économie Bruno Le Maire a ouvert le bal par un discours plus économique et politique que financier. Le ton était donné ! Une journée intéressante qui mit en avant, les avancées, les problématiques et les paradoxes propres à la finance durable. 

The Paris financial center will be green or will not be.

Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance

Il y a urgence et nous avons besoin de temps…

Le dernier rapport du GIEC était bien présent dans les esprits : Les chiffres sur la biodiversité, la montée du niveau des eaux, l’augmentation de la température terrestre, l’augmentation des catastrophes naturelles… Tout, absolument tout ce qui nous indique que nous faisons face à une urgence climatique a bien été rappelé.

Paradoxalement, nombreux sont les acteurs à avoir demandé du temps et de viser des objectifs à long terme.

Si le vent fournit de l’électricité, les promesses sans contraintes font tourner des moulins sans grain.

Les PDG des grandes banques affichent fièrement leurs objectifs de décarbonation. Il s’agira seulement, dans un premier temps, de ne plus financer l’extraction des ressources non conventionnelles.

Les ONG demandent d’aller plus loin!

Il a également été souligné que certains pays ont des problématiques différentes des nôtres et nécessitent un accompagnement adapté qui demandera du temps. Les pays en voie de développement, ou les « oil countries »[i] sont parmi les pays les plus menacés et peut-être les moins équipés économiquement pour affronter les changements nécessaires.

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Il est également question de l’accélération des montants. On se félicite de la place que prend l’impact aujourd’hui tout en se désolant que cela ne représente que 0,5% des investissements…toujours insuffisants.

Comme le souligne le ministre de l’économie, il faudra 1 000 Mds€ d’ici 2050.

Qui paiera la facture ?

Le paradoxe de l’énergie, comment faire une transition juste?

Le ministre de l’économie Bruno Le Maire est revenu sur l’actualité. La veille, RTE publiait son dernier rapport faisant état d’une hausse de la consommation électrique en France de 50 à 75% d’ici 2050, tout en prenant soin de souligner la propreté de l’énergie française par rapport à celle de nos voisins allemands (60g vs 400g par kWh).

En parallèle, l’augmentation des prix du gaz et des carburants a bousculé l’actualité ;

Ce n’était pas encore un tsunami, mais la recherche d’un équilibre entre transition écologique et accompagnement économique relève de l’exercice d’équilibriste.

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Pour illustrer : Le ministre a défendu la réponse politique à la récente inflation des prix de l’énergie : Un chèque de soutien aux ménages les moins aisés, mais un refus de baisser les taxes sur l’énergie, secteur polluant s’il en est, tout cela dans une recherche de cohérence, nous explique-t-il.

Quelles décisions devrons nous ou pourrons nous prendre dans le futur ?

Il a souligné le rôle de l’état dans ce grand défi et évoqué l’idée forte de sortir du principe de non-affectation des recettes fiscales afin d’accompagner la transition.

Dans le même temps, il insiste sur l’effort qui sera demandé aux acteurs privés. « Ils doivent jouer le jeu, investir dans l’innovation et s’engager sur un calendrier contraignant. »

Une question sur la justesse fiscale a été évoquée par un autre intervenant lors d’une table ronde :

Est-ce normal qu’une entreprise polluante soit soumise au même régime d’impôt sur les sociétés qu’une entreprise qui fait de l’impact ?

Le ministre s’était déjà évaporé et la question est restée sans réponse.

Ce n’est pas la réponse qui éclaire, mais la question.

Eugène Ionesco

ESG et impact, l’importance des données et de la mesure

La différence entre ISR et impact est soulignée.

D’un côté il s’agit d’activités « traditionnelles » qui, tout en restant profitables financièrement, veillent à atténuer leur empreinte écologique et à mieux considérer les critères sociaux. Quand dans l’impact, l’amélioration écologique et sociale est au cœur du projet.

Deux acteurs ont pu nous offrir une illustration de cette différence. D’un côté, BNP nous a présenté un investissement à impact où le capital est garanti par l’état et le rendement dépend de l’impact social, (l’exemple donné est mesuré par le nombre d’enfant en placement évité, réduisant le coût pour la société). De l’autre, les prêts ESG chez ING, où le taux d’intérêt dépend de critères environnementaux (1er prêt pour Philipps en 2017, EDF depuis, entre autres).

La question de la mesure et des données est au cœur des enjeux. Les problèmes sont nombreux, qu’il s’agisse de récupérer des informations ou de les consolider. L’exemple m’a été donné avec des projets de construction de route en Namibie, favorisant l’emploi et désenclavant des régions. Ces projets sont très forts sur l’aspect S de l’ESG, mais négatif sur le E, car pour cela il faut couper des arbres et utiliser des matériaux polluants.

D’ailleurs, la notion de prix est importante, la rentabilité financière est bien quantifiable, le prix du carbone, qui doit être juste, comme souligné lors de la journée, existe pour évaluer l’impact écologique, mais qu’existe-t-il de l’évaluation des critères sociaux ?

Des avancées et engagements hétérogènes

A nouveau, quand certains s’engagent à ne plus financer d’activités liées aux hydrocarbures, d’autres se contentent de s’engager à ne plus financer les extractions de pétrole et gaz non conventionnels.

BPCE met en avant sa solution du Green Weighting Factor (open source) mais n’est pas la banque la plus en avance dans ses actions malgré le fait que le climat fasse partie de ses 3 piliers de sa stratégie 2024 (Croissance, Client, Climat).

Il faut avancer vite, mais comme le souligne le PDG d’une grande Banque Française, il est nécessaire de travailler projet par projet, client par client, ce qui demande du temps.

L’idée de capital réglementaire indexé sur la performance écologique n’est pas au goût de tout le monde.

On a discuté dans la journée des difficultés pour les populations précaires de s’adapter, des migrations futures et on finit avec la peur d’une contrainte en capital…

Avec le changement climatique, personne n’est à l’abri d’une rafale en vent contraire.

On notera les travaux de la banque de France. Son portefeuille est déjà aligné sur un scénario d’augmentation des températures de 2 degrés et vise dorénavant 1.5 degrés. Par ailleurs, elle travaille sur des scénarios climatiques (qui seront publiés prochainement) selon le modèle de l’IPCC afin de favoriser la collaboration entre les parties. Encore une fois le principe d’homogénéité des méthodes et de collaboration est mis en avant et contraste avec des initiatives individuelles qui ne facilitent pas toujours la comparaison.

Beaucoup d’intervenants, beaucoup d’idée, mon texte est trop court pour résumer tout ce que j’ai pu retenir et encore plus pour tout ce qui a pu se dire.

La journée aura montré tout le paradoxe qui réside dans la finance à impact. Elle se doit de dessiner la finance de demain dont on a besoin dès aujourd’hui.

Il faut favoriser l’entreprenariat individuel tout en définissant des normes collectives. Vaste chantier !

Pour beaucoup, cette journée était un apéritif de la COP26, un apéro au goût aigre et amer. Il va falloir passer au plat principal et le défi sera nettement plus grand demain, enfin aujourd’hui, bref vous m’avez compris.

D’ailleurs, j’ai oublié de vous parler des questions de biodiversité et des leçons que l’on aurait dû retenir sur ce sujet avec le Covid !  Mais bon j’aurais le temps demain… Ou pas…

[i] Pays dont les revenus nationaux dépendent principalement de l’extraction de gaz ou de pétrole